Login

" La culture d'immortelle me permet de me diversifier "

Thierry Abeille est l'un des quatre horticulteurs de Carqueiranne (83) à avoir relancé la culture de l'immortelle pour répondre à la demande de L'Occitane.PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Installé à Carqueiranne (83), Thierry Abeille est l'un des quatre producteurs à s'être lancé dans la culture d'immortelle pour répondre à la demande de L'Occitane en Provence, société de produits de beauté et parfums sensoriels. Cette plante, traditionnelle du Var, est délaissée depuis une vingtaine d'années.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

À l'origine, il y a une demande de L'Occitane en 2012 : des immortelles pour décorer ses magasins et promouvoir sa gamme de cosmétiques à base d'Helichrysum italicum. L'association Hyères Hortipole, en tant que coordinateur du réseau Florisud, a répondu présent pour proposer un projet avec ses différents partenaires : la station d'expérimentation Scradh, la chambre d'agriculture du Var, la Sica Marché aux fleurs d'Hyères et le groupement de producteurs de fleurs coupées Phila-Flor. L'immortelle Helichrysum orientale, l'espèce ornementale (voir encadré), n'était plus cultivée dans le Var que par une seule horticultrice, Shénaz Carron. Pour répondre à la demande de L'Occitane, il fallait plus de surfaces. Thierry Abeille est l'un des trois autres producteurs à s'être lancé dans l'aventure. Un peu plus d'un hectare au total ont ainsi été mis en culture sur des terrains en restanques (*) de Carqueiranne. Cette surface doit permettre, à terme, de produire annuellement les 500 000 tiges contractuelles.

« L'immortelle est gélive et pousse mieux en bord de mer », explique le producteur dont une parcelle se situe justement dans un site adapté à la production de la fleur : le sol des restanques se réchauffe facilement et offre un bon drainage, ce qui préserve la plante, cultivée traditionnellement en pleine terre, du froid et de l'humidité. Outre le terrain approprié, Thierry Abeille dispose d'une solide motivation. « La culture d'immortelle me permet de me diversifier et de combler un trou dans le calendrier de production. L'été est une saison morte pour nous. Avant, nous produisions du glaïeul jusqu'à la Fête des Mères ; mais la demande a baissé. L'immortelle vient en complément de la culture de pivoine. » La plante demande peu d'entretien - hormis des traitements contre une punaise nuisible et les escargots, et une fumure de fond à l'automne -, pas de taille et peu d'irrigation : du goutte-à-goutte la première année d'installation puis deux arrosages chaque printemps.

Mais avant de produire, il a fallu se procurer les plants. Dans ce but, Hyères Hortipole a organisé la multiplication in vitro de souches d'immortelles conservées au Jardin remarquable de Baudouvin à La Valette (voir encadré). C'est avec Helichrysum orientale que le site a d'ailleurs réalisé sa première action de conservation en 2012, en récupérant un échantillon de l'espèce auprès de Marie Carron (Carqueiranne), la mère de Shénaz. Le laboratoire Cerbiotech de Gap a réalisé la mise au point technologique de la multiplication in vitro et a produit en 2013 quelque 3 000 plants mères acclimatés pendant quinze jours au Scradh. Ces plants sont assainis, « mais ils sont plus chers... ». L'ensemble du projet a bénéficié de 50 % de subventions réparties entre l'Europe, FranceAgriMer et le département du Var. Thierry Abeille a déboursé 10 000 euros pour acheter 1 800 plants in vitro. Il s'est également procuré 1 300 boutures (à 0,75 euro l'unité) auprès d'un ancien producteur d'immortelles. Après une première année « à blanc » en 2014, les récoltes d'immortelles ont débuté en 2015, avec 90 000 tiges cueillies sur 1 500 m2, de quoi rentabiliser l'achat des plants, le seul investissement réalisé par l'horticulteur. Cette même année, un important orage l'a cependant obligé à renouveler 30 à 40 % de sa plantation. En 2016, le producteur espère récolter 120 000 à 130 000 tiges. « Mais j'ai planté un peu dense », analyse Thierry Abeille. Sur les rangs espacés d'1,20 m, les plants auraient pu être espacés de 40-45 cm au lieu de 33.

Le producteur a pu bénéficier de formations spécifiques, mises en place par la chambre d'agriculture du Var avec l'aide d'anciens producteurs d'immortelles, pour accompagner les candidats dans la culture de cette espèce. La cueillette, à la main, commence fin mai-début juin et dure une dizaine de jours. Elle s'effectue à un stade très précis, lorsque les fleurs ont les boutons encore fermés. Même coupées, les fleurs continuent d'évoluer. Les tiges sont séchées sur place au soleil pendant 24 heures, puis les bouquets sont formés selon un cahier des charges précis (diamètre du bouquet, longueur de tiges...) et suspendus tête en bas en abri ventilé pendant une dizaine de jours. Ils sont emballés en cartons collectés par la Sica Marché aux fleurs pour être expédiés dans les 2 200 boutiques de L'Occitane à travers le monde. La totalité de la production passe par le marché d'Hyères.

La Sica Marché aux fleurs prend en charge la relation commerciale pour le compte des producteurs. « L'Occitane en Provence s'engage à long terme sur ce projet avec un contrat pluriannuel d'approvisionnement de cinq ans. » C'est un avantage appréciable pour les producteurs, même si Thierry Abeille ne peut s'empêcher déjà de se poser la question de « l'après »... En 2015, l'objectif a été atteint avec plus de 200 000 tiges récoltées au total, soit plus du double des quantités prévisionnelles. En 2016, quelque 400 000 tiges sont attendues, dont 150 000 fournies par Thierry Abeille.

Valérie Vidril

(*) En Provence, muret en pierres sèches, parementé sur les deux côtés, soutenant une culture en terrasse.

La fleur, qui continue d'évoluer après la cueillette, doit être récoltée à un stade précis, avant l'apparition du petit point noir central.

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Décoration d'une boutique L'Occitane en Provence, société de produits de beauté et parfums sensoriels, avec des fleurs d'Helichrysum orientale.

PHOTO : L'OCCITANE EN PROVENCE

La fleur d'immortelle ne fane pas.

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Les restanques de Carqueiranne se prêtent bien à la culture de l'immortelle qui a besoin de beaucoup de chaleur et craint l'humidité.

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement